Olivier Bascoulès, Pharmacien.
« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». Cette phrase de Gandhi, Olivier Bascoulès la fait résonner chaque jour davantage dans sa pharmacie ariégeoise de Lézat-sur-Lèze (2300 habitants), engagée dans une démarche de développement durable depuis 2015.
D’où vient votre engagement dans le développement durable ?
J’avais quelques convictions au départ, mais j’y suis surtout venu par son aspect social, auquel j’ai commencé à me former. J’ai d’abord travaillé sur ma propre communication avec mes équipes. Ensuite, j’ai voulu structurer cette démarche, dans le domaine social puis de manière plus large. Aujourd’hui, les deux pharmaciens et six employés se sentent impliqués. J’ai d’ailleurs embauché une préparatrice qui partage cette sensibilité et s’occupe du développement durable avec moi.
Mon premier objectif, ce fut donc d’améliorer la qualité de vie au travail. Dans une officine, nous évoluons dans un espace restreint, et sommes au contact de clients parfois difficiles, angoissés, qui ont un grand besoin de partager leurs situations complexes ou très lourdes. Avec eux, nous devons rester empathiques, mais aussi poser un cadre. Nous suivons des formations pour cela, et nous avons revu notre organisation pour instituer des plages de travail systématiques en back office. Le télétravail est une possibilité pour certaines tâches, notamment lorsque le personnel suit une formation online. En 2018, nous avons évalué le bien-être au travail grâce à l’outil « B2ST » de Primum Non Nocere®*.
Quels sont vos autres axes de travail ?
L’aspect « achats responsables » est pour nous une priorité. Imaginez, d’un côté vous avez une officine, et en face des laboratoires pharmaceutiques… Les scandales récents ont montré la limite de leur communication : ils sont laconiques, faussement rassurants… « Tout va bien se passer ». Mais en face de moi, j’ai des clients, de plus en plus informés et inquiets. « Est-ce que ça contient des perturbateurs endocriniens (PE), des nanoparticules ?… » C’est à nous, pharmaciens, d’exiger plus de transparence, d’obtenir des fournisseurs la composition exacte des médicaments, la traçabilité des matières premières, de privilégier les produits sans CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques), sensibilisants cutanés ou PE, de nous renseigner sur leur politique RSE.
Je vous donne un exemple. Les laboratoires vendent des comprimés, utilisés comme supports pour des huiles essentielles, et les qualifient de « neutre ». Mais si on regarde de près, il y a des perturbateurs endocriniens dedans. Les labos nous répondent qu’il y en a partout, mais moi je refuse de répondre ça au client ! Pour changer leur façon de nous aborder, nous devons nous fédérer, créer un label ou une certification pour les pharmacies éco-responsables, et faire émerger une démarche commune.
Quel est votre rôle quant à la santé environnementale ?
Nous sommes en première ligne pour informer la population. Notre région, l’ex Midi-Pyrénées, est très exposée aux pesticides, dont certains proviennent peut-être d’Espagne plus ou moins légalement. Et nous sommes la région où il y a le plus de pubertés précoces d’après une étude récente. Quand on nous demande des conseils, sur les précautions à prendre, sur l’aération par exemple, nous devons être capables de répondre. Comme sur la composition des médicaments. Alors on se renseigne, on cherche, et on rappelle le client… Systématiquement. Nos études ne nous préparent pas à ça, mais ces nouveaux rôles deviennent incontournables.
Être intransigeants, nous former sans cesse, nous fédérer. Notre démarche développement durable, c’est un projet au long cours.
* Filiale d’expertise du C2DS